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Licenciement économique

Motif économique de licenciement : comment apprécier la période de baisse du chiffre d'affaires ?

Pour qu'un recul du chiffre d'affaires puisse justifier un licenciement économique, il faut comparer la période contemporaine de la rupture avec la même période de l'année précédente. Dès lors que la situation s'est légèrement améliorée juste avant la rupture, il n'y a plus de motif économique de licenciement.

À partir de 300 salariés, 4 mois consécutifs de baisse du chiffre d'affaires pour caractériser des difficultés économiques

Pour justifier un licenciement par des difficultés économiques, l'entreprise peut mettre en avant « une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation » (c. trav. art. L. 1233-3).

S'agissant du recul des commandes ou du chiffre d'affaires (CA), la baisse doit être « significative ». Plus précisément, elle doit être au moins égale, en comparaison avec la même période de l'année précédente, à :

-1 trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés ;

-2 trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés ;

-3 trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins 50 salariés et de moins de 300 salariés ;

-4 trimestres consécutifs pour une entreprise de 300 salariés et plus (soit l'hypothèse posée dans l'affaire qui suit).

L'affaire : 4 trimestres consécutifs de baisse du CA, suivis d'un léger sursaut

Dans cette affaire, une salariée, « assistante au développement produit » dans une entreprise d'au moins 300 salariés, est convoquée à un entretien préalable à son licenciement pour motif économique. Elle quitte finalement l'entreprise dans le cadre d'un contrat de sécurisation professionnelle le 14 juillet 2017, après que l'employeur lui a notifié le motif économique à l'origine de la rupture (voir RF 1128, § 1138).

Elle conteste par la suite ce motif économique. En effet, l'employeur a mis en avant le recul du chiffre d'affaires observé sur les 4 trimestres de l'exercice 2016, par rapport aux 4 trimestres de l'exercice 2015 (- 22 835 millions d'euros). Selon lui, il y a donc bien une baisse du chiffre d'affaires sur 4 trimestres consécutifs, donc une « baisse significative » au sens du code du travail.

Cependant, la salariée réplique qu'au premier trimestre 2017, donc peu de temps avant la rupture de son contrat de travail, le chiffre d'affaires de l'entreprise était timidement remonté de 0,5 % par rapport au premier trimestre 2016. De son point de vue, la condition d'une baisse sur 4 trimestres consécutifs n'était donc pas remplie.

La cour d'appel donne raison à l'employeur. Elle considère que le chiffre d'affaires avait subi une baisse significative au vu des derniers exercices clos, donc des exercices 2015 et 2016. Certes, le CA était légèrement remonté au cours du premier trimestre 2017, mais il restait « très en deçà du chiffre d'affaires du premier trimestre 2015 ». Cette timide amélioration ne suffisait pas à « signifier une amélioration tangible des indicateurs ».

Il faut comparer la période contemporaine de la rupture avec la même période de l'année précédente

La Cour de cassation censure l'arrêt de la cour d'appel et s'en tient à une lecture stricte des dispositions du code du travail.

Elle rappelle tout d'abord que, en règle générale, le caractère réel et sérieux du motif de licenciement s'apprécie à la date du licenciement (cass. soc., 21 novembre 1990, n° 87-44940, BC V n° 574 ; cass. soc., 26 février 1992, n° 90-41247, BC V, n° 130).

La Cour de cassation poursuit en posant pour principe, et c'est là le cœur de l'arrêt, que « la durée d'une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires [au sens du motif économique de licenciement] s'apprécie en comparant le niveau des commandes ou du chiffre d'affaires au cours de la période contemporaine de la notification de la rupture du contrat de travail par rapport à celui de l'année précédente à la même période. »

Concrètement, il fallait prendre pour référence la période allant du deuxième trimestre 2016 au premier trimestre 2017 (dernier CA connu au jour de la rupture). Puis la comparer, trimestre par trimestre, avec la période allant du deuxième trimestre 2015 au premier trimestre 2016 (T2 2015 et T2 2016, T3 2015 et T3 2016, T4 2015 et T4 2016 et, en dernier lieu, T1 2016 et T1 2017).

Dans le cas présent, le chiffre d'affaires du premier trimestre 2017 était en hausse par rapport à celui du premier trimestre 2016. Pour la Cour de cassation, la durée de la baisse du chiffre d'affaires, en comparaison avec la même période de l'année précédente, n'égalait donc pas quatre trimestres consécutifs précédant la rupture du contrat de travail pour cette entreprise de plus de 300 salariés. Cette seule amélioration suffisait à considérer que les difficultés économiques n'étaient pas « significatives ».

Les difficultés économiques n'étaient donc pas établies, l'arrêt de la cour d'appel est cassé et l'affaire est renvoyée devant une autre cour d'appel.

Cass. soc. 1 juin 2022, n° 20-19957 FSB https://www.courdecassation.fr/decision/6297021b7c2a1fa9d4442269